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Justice pénale des mineurs : la loi Attal largement censurée par le Conseil constitutionnel

Pénal - Pénal
27/06/2025

Le 19 juin 2025, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions clés de la loi dite « Attal », censée renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants. Cette décision, très attendue, soulève une question récurrente : réformer le droit pénal des mineurs est-il encore possible en France, sans heurter les principes constitutionnels fondamentaux ?

Malgré une baisse globale de la délinquance juvénile, la montée des actes violents a alimenté un débat politique et social intense. En réponse, la loi Attal avait tenté d’instaurer des procédures plus rapides et plus fermes. Le Conseil a jugé que plusieurs de ces mesures portaient atteinte aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Une procédure d’audience unique trop élargie

Parmi les dispositions censurées figure l’extension de la procédure d’audience unique. En droit actuel, la règle est celle de la césure du procès : une audience sur la culpabilité, puis une autre sur la sanction. La loi visait à élargir les cas où un mineur peut être jugé en une seule audience. Le Conseil a rappelé que cette dérogation ne peut être qu’exceptionnelle, et que l’élargir à des infractions moins graves ou à des mineurs déjà connus de la justice méconnaît l’objectif de relèvement éducatif.

La comparution immédiate (CI) jugée inappropriée pour les mineurs

Le texte prévoyait également une comparution immédiate pour les mineurs d’au moins 16 ans déjà suivis judiciairement. Une audience aurait pu être tenue sous cinq jours. Le Conseil a censuré cette disposition, estimant qu’elle ne réservait pas la procédure à des cas suffisamment graves ou exceptionnels, et qu’elle ne garantissait pas un dossier en état d’être jugé. Il a aussi regretté l’absence de possibilité pour le juge de renvoyer le parquet à mieux se pourvoir.

Durée de détention provisoire prolongée : rejet pour les moins de 16 ans

La réforme envisageait d’allonger à un an la durée maximale de détention provisoire pour les mineurs de moins de 16 ans dans les affaires de terrorisme ou de délinquance organisée. Bien que poursuivant un objectif de sauvegarde de l’ordre public, cette mesure a été jugée contraire à l’exigence d’adapter la réponse pénale à l’âge du mineur.

Excuse de minorité : le principe reste la règle

Autre point sensible : l’excuse de minorité, qui permet de réduire de moitié les peines encourues par un mineur. La loi entendait supprimer automatiquement ce bénéfice pour les récidivistes de plus de 16 ans, sauf décision contraire du juge. Le Conseil a rappelé que cette excuse ne peut être écartée qu’exceptionnellement, par une décision motivée et tenant compte des circonstances individuelles.

La rétention décidée par la police, sans contrôle judiciaire, rejetée

Enfin, la possibilité pour un officier de police judiciaire de placer un mineur en rétention, sans en référer à un juge, a été déclarée inconstitutionnelle. Le Conseil a estimé que toute mesure privative de liberté devait être prise sous le contrôle d’une juridiction spécialisée, même en cas de non-respect d’une mesure éducative.

Une réforme rendue incertaine par une protection constitutionnelle renforcée

Ces censures rappellent que la justice pénale des mineurs reste encadrée par des principes constitutionnels stricts : priorité à l’éducatif, atténuation de la responsabilité, compétence exclusive de juridictions spécialisées. Si le Conseil ne ferme pas totalement la porte à l’évolution, il impose des critères de nécessité, de proportionnalité et d’adaptation à l’âge, qui restreignent fortement les marges de manœuvre du législateur.

La voie de la réforme n’est pas fermée, mais elle passe désormais par une meilleure articulation entre efficacité de la réponse pénale et respect des droits fondamentaux de l’enfant.